« L’histoire de l’art récente a connu successivement des artistes « sans » oeuvres (dématérialisées) et d’autres « sans » art (où « tout est art »), ou bien encore des oeuvres « sans » auteur (voir les appropriationistes)…
Le travail de Pierre Beloüin pourrait sans doute revendiquer ici quelques-unes de ses filiations et trouver naturellement sa place sur ce grand échiquier du rapport ambiguë de l’artiste à l’art. Car ce qui fait l’une des spécificités de son oeuvre, outre le fait qu’elle s’appuie également sur une connaissance pointue des contre-cultures, c’est le statut que défend son auteur, un statut plus volontiers associé au monde de la musique ou du cinéma, à savoir celui de producteur. Producteur d’artistes, de musiciens, d’oeuvres, de produits… Revendiquant la pratique de l’art comme moyen de collaborations, Pierre Beloüin devient le coeur d’un réseau ouvert multipliant les ramifications et le développement de projets en tout genre (du partenariat au commissariat en passant par l’édition de disques, de badges, l’organisation de concert, etc.).
Ce qui signe d’emblée ce travail, c’est le désir affirmé de multiplier les champs plutôt que de les soustraire et d’inscrire ainsi sa pratique au sein du label Optical Sound (dont il est le créateur) dans sa production plastique. Qu’elle soit jouée ou citée, la musique, son actualité et son histoire, ses codes et ses croisements, constitue donc le socle à partir duquel tout s’élabore. Et c’est alors en Homme orchestre, que l’artiste se présente, autoportrait à la cravate blanche sur chemise rouge aussi décalé et faussement naïf que le morceau « exotica » qui tourne en boucle et accompagne l’installation. C’est sans doute parce que la musique dépasse son seul territoire, qu’elle emporte avec elle un lifestyle et appelle la conscience et la révolte, le plaisir et le jeu, qu’elle fascine. Pierre Beloüin semble annoncer son désir de faire basculer définitivement dans le champ de l’art cette attitude frondeuse et résistante. Aux manettes d’un projet dont un des buts pourrait être celui d’affirmer le rapprochement, voire la fusion, des disciplines artistiques, il met en oeuvre les moyens d’une attitude dans la forme« . Guillaume Mansart
Out-Take (création)
Cette installation met en lumière la tension, la densité et la magie qui réside lors d’enregistrements de groupes en studio, notamment par le fait que la prise de voix est souvent isolée des autres captations, voire totalement indépendante, et par la même unique.
Ces trois courts et rares documents filmés de sessions d’enregistrements, sont emblématiques d’une certaine histoire de la musique contemporain : Mona Soyoc pour Kas Product, Nick Cave pour Birthday Party et enfin Joe Strummer pour le Clash.
Chacune de ces séquences est présentée comme un triptyque, sur des écrans de petites tailles rappelant ceux des consoles de mixage, les écrans sont fixés sur des pieds de micros orientables à hauteur de regard, et enfin l’écoute de ces partitions vocales se fait au casque, sorte de miroir intimiste entre les spectateurs et les chanteurs.
Production : Pierre Beloüin avec le soutien de Transcultures / City Sonic