Catherine Graindorge : Là où je n’ai plus de mots émerge la musique… interview City Sonic 2016

Catherine Graindorge : Là où je n’ai plus de mots émerge la musique… interview City Sonic 2016
17 septembre 2016 Transcultures

Alternant les créations musicales et le théâtrale, Catherine Graindorge est une artiste polyvalente qui ne se contente pas d’une unique forme d’expression. Elle a collaboré avec des artistes et musiciens de niveau international (John Parish, Bertrand Cantat, Hugo Race…). Elle a également composé récemment une belle bande-son pour le film réalisé par Bénédicte Liénard et Mary Jimenez, Le Chant des hommes.

Longtemps entourée sur scène, c’est en 2012 qu’elle se lance le défi d’entreprendre une carrière solo. Elle se confronte à elle-même et en résulte The Secret of us all, dont les mélodies invitent à s’égarer. C’est un monde parfois tourmenté, souvent mélancolique et toujours onirique qu’elle nous offre.

Catherine Graindorge est invitée à participer à la Sonic Garden Party de ce City Sonic #14 avec un concert solo le dimanche 18 septembre dans un jardin privé du quartier historique du Beffroi à Mons, un cadre intime permettant de mettre en abyme le ton personnel d’une œuvre sensible.

Le Chant des Hommes - Bénédicte Liénard et Mary Jimenez

Vous avez sorti en 2012 votre premier album solo The Secret of us all. Pouvez-vous nous expliquer ce titre et ce que cet opus représentait dans votre évolution musicale ?

Catherine Graindorge : Le titre provient du dernier morceau de l’album pour lequel Hugo Race a composé les paroles. Il me plaisait. A travers ce disque, je dévoile une part de moi. Sans doute est-il né d’une nécessité de me confronter à moi-même.

J’aime beaucoup le travail en groupe mais être seule, c’est faire face au silence, à la solitude, à mes démons… ça me permet d’évoluer.

Des années durant, vous avez exclusivement travaillé avec des groupes de musique (comme Nox en Belgique). Qu’est-ce qui vous a motivé, voici quelques années, à entreprendre une carrière solo ?

Catherine Graindorge : Je jouais déjà depuis longtemps en solo pour le théâtre ou la danse – mais donc toujours entourée sur scène par des artistes. En 2010, Dan Miller, musicien et créateur de A Song A place – une structure qui promouvait les artistes et faisait du booking – m’a proposé de faire sa première partie. Du coup, j’ai enchaîné quelques concerts.

Ca me mettait à chaque fois dans un état de stress intense mais je percevais ces moments solos comme un défi vis à vis de moi-même…

Vous composez également pour des musiques de films. Comment avez-vous travaillé avec ces images en mouvement ?

C.G. : J’improvise sur les images, je m’enregistre, réécoute, reconstruis puis j’envoie au réalisateur/ à la réalisatrice et je réadapte en fonction de leurs réactions et demandes. C’est très stimulant. Il faut à la fois se glisser dans le désir de l’autre et garder son intuition, un subtil équilibre entre soi et l’autre.

Vous avez collaboré avec des musiciens-personnalités internationaux tels John Parish (PJ Harvey), Bertrand Cantat ou encore Hugo Race (Nick Cave and the Bad Seeds, True Spirit), quel impact ont-ils eu sur votre propre trajet musical et artistique ?

C.G. : Ce sont de belles rencontres tant sur le plan musical que humain. Elles restent gravées en moi, elles m’accompagnent.

Vous êtes musicienne mais aussi comédienne mais aussi metteuse en scène de vous-même (je pense notamment à Avant la fin à partir de textes de votre père). Comment se complètent (ou pas) ces deux domaines d’activité ?

C.G. : L’un nourrit l’autre. Je ne me considère d’ailleurs pas comme comédienne ou musicienne à part entière. Je dis toujours que je suis une comédienne qui fait de la musique ou musicienne qui joue avec ses tripes.

Là où je n’ai plus de mots émerge la musique. La musique c’est l’oubli de soi. C’est je crois le mode d’expression où je me sens la plus épanouie.

Il ressort de vos performances en solo une forme d’intimité, voire de sensualité, mais aussi d’étrangeté partagée (on pense parfois à Laurie Anderson)…

C.G. : Jouer en solo, c’est probablement une catharsis. Quand je joue du violon, j’ai le sentiment de plonger dans le silence, de m’ancrer davantage, d’être en phase avec mes émotions les plus profondes. Mon corps vit au rythme des sons… c’est peut-être ça la sensualité ?

Ces derniers temps, la recherche des matières sonores (au-delà du musical) semble être plus importante dans votre travail. Comment gérez-vous ce développement sonore qui s’opère en direct lors de vos performances ?

C.G. : Il y a toujours une part d’inconnue entre ce que j’anticipe et ce que je découvre ; le lieu est déterminant mais le public aussi. J’aime jouer dans des situations et des lieux très différents. Même si je prépare un concert, ça ne se passe jamais comme je l’ai imaginé. C’est ça qui est bien.

L’inconnu, les accidents, c’est ce qui enrichit la vie d’un artiste. Alors, si on me propose un concert dans un jardin, bunker, salle de gym ou autre… je serai toujours preneuse.

Transcultures 2016
Propos recueillis par Léo Desforges-Barcelo
Edition Jacques Urbanska