Récemment diplômée de l’école des arts visuels de Mons Arts2, le travail d’Helga Dejaegher oscille entre vidéos et installations pour sans cesse réinterroger le regard mais aussi l’écoute et plus généralement, la perception.
Créant une intimité avec ses œuvres à la fois immédiates et sensibles, elle joue à se montrer, partiellement, pour se confronter et dialoguer avec son public.
Ses dernières installations Explication (une œuvre sonore ironisant les commentaires, critiques d’œuvre d’arts) et Station (une installation audio-visuelle faite à partir de données vidéo et sonores récoltées lors de voyages en train entre Belgique) seront visibles et audibles à Mons, à l’occasion de City Sonic#14, dans deux galeries du Passage du centre.
Vous venez d’obtenir votre diplôme en arts visuels et vous avez déjà été invitée dans diverses expositions. Comment s’est passée la transition du statut d’étudiant à celui d’artiste professionnelle ?
Helga Dejaegher : Pour le moment, je me considère toujours en transition. Cela n’est pas toujours facile, beaucoup de questions se posent. Pour le moment beaucoup d’opportunités s’offrent à moi, j’essaie de rester très ouverte aux diverses propositions, expériences. Ces expériences professionnelles m’apportent énormément de positif. J’apprends, je découvre, tout cela est très motivant. Il y a une dimension sociale dans ses expériences ; je rencontre beaucoup de belles personnes, de beaux univers. Cela m’apporte beaucoup dans mon travail artistique mais aussi au niveau personnel.
Dans votre travail, vous questionnez souvent à la fois l’identité et la perception. Berkeley disait à ce sujet » être, c’est être perçu ». Quelle est votre position en tant qu’artiste, (c’est à dire dont le travail nécessite d’être vu) sur cette relation identité/perception ?
Helga Dejaegher : C’est très difficile de se positionner en tant qu’artiste sur la manière d’être vu, perçu. On dit souvent qu’il faut être vu, perçu pour être un artiste mais je pense que cela est en partie faux. Pour moi, cela n’est pas qu’une question de perception mais plus une idée de créer un dialogue, un lien entre des personnes.
Lorsque vous vous mettez en scène dans un de vos projets, il est rare de vous y voir pleinement. Comment expliquez-vous ces choix de cadrage du corps ?
Helga Dejaegher : Le cadrage est une manière de me montrer. Je suis une personne assez timide ; je pense que le cadrage reflète cela. Une œuvre est quelque chose de très intime. Elle fait partie de moi, de ma personnalité ; c’est pourquoi je n’apparais jamais pleinement.
Il y a dans votre travail une grande diversité disciplinaire, comment les liez-vous ?
Helga Dejaegher : J’aime bien essayer, tester des choses. Je reste toujours ouverte à d’autres disciplines. Pendant mon cursus, je ne souhaitais pas me cantonner à une discipline. Bien évidemment la vidéo, le son et la performance sont des domaines que je privilégie pour le moment, ils me permettent de mieux faire passer mon message.
Quelles sont les inspirations qui vous ont menée à cette transdisciplinarité ?
Helga Dejaegher : La vie de tous les jours, les petites choses anodines comme pour mes idées. Il est très facile de filmer, capter des moments à l’heure actuelle de manière sonore et vidéographique. On vit aussi entouré de son et de vidéo. Pour autant, cela reste très secondaire, très banal on n’y fait plus attention et c’est cela que je trouve dommage et que j’aime mettre en exergue.
Avec l’installation Explication que vous avez créé dans le cadre du nouveau « Bouquet sonore » à Arts2, programme coordonné par Drita Kotaji et Philippe Franck, vous interrogez le commentaire dans l’œuvre d’art. Qu’est-ce qui vous a incité à questionner ce thème ?
Helga Dejaegher : Encore une fois, cela part d’un événement personnel. Assez souvent quand on me propose des expositions, je dois garder les lieux ce qui implique aussi une dimension de médiation auprès des spectateurs. Au fil du temps, je me suis rendu compte que sur une journée d’ouverture je pouvais expliquer 20 fois une seule et même pièce de façons différentes. Cela m’a interpellée, les explications sont uniques et en cela, elles sont des œuvres à part entière. De cette réflexion a abouti cette pièce Explication qui n’existe pas, de facto, physiquement ; elle se trouve dans l’imaginaire des personnes. Elle se forme grâce à une accumulation de diverses présentations. C’est un travail qui est en progression tout au long de la vie de l’œuvre, je vais recueillir des explications. L’œuvre prend forme avec différentes personnes, ce qui implique diverse manières de voir une seule et même œuvre et de l’expliquer. Les personnes ont leur vécu, leur manière de voir c’est ce qui permet aux explications d’être très différentes.
Comment avez-vous travaillé avec les participants et comment percevez-vous la diversité des réponses qui vous ont été données ?
Helga Dejaegher : Travailler avec d’autres personnes est toujours une opportunité très intéressant. Des échanges se créent ; cela enrichit l’œuvre. S’il y a des problèmes, les solutions sont apportées par diverses personnes avec des techniques différentes. Cela permet aussi d’apprendre des autres et de soi.
Vous avez collecté le matériel de l’installation Station résultante des workshops Emergences numériques et sonores menés cette année à Arts2 avec Transcultures, lors de voyages en train. Comment avez-vous récolté ces flux visuels et sonores ? Comment se complètent-ils ?
Helga Dejaegher : Très souvent, j’emporte une caméra et un enregistreur. Durant mes voyages en train, je suis souvent seule et c’est un espace qui permet la réflexion et l’observation. J’essaie de collecter un maximum de choses qui m’intéresse pour plus tard créer à partir de cette matière première. Cette matière repose et sort quand c’est opportun de manière très naturelle. Pour Station, le visuel est très déstructuré on ne comprend plus très bien où l’on se situe. Le son permet au spectateur de re-contextualiser la pièce dans un espace.