Vue panoramique sur les musiques curieuses pour violon seul
Les pièces qu’il a composées entre 1986 (Septuor pour huit instruments) et 1993 (Lucy concerto pour violon et orchestre) sont très denses, écrites avec beaucoup de notes.
Sept années plus tard, après avoir voyagé à bord du Cirque des sons, il prend ces compositions comme de la matière sonore et il les réduis en un long fil principalement monodique, je passe les partitions une à une au tamis pour en extraire un ruban d’ADN sonore. C’est dans ce nouveau cycle de 2000 à 2007 qu’il cherche à poser les bases d’une Université des Arts ouverte à tout un chacun avec ou sans connaissances artistiques préalables, et ce faisant, chaque soir, en ermite il continue ces réductions à petit feu, au goutte à goutte.
Le travail terminé, il oriente les rubans dans deux directions : les pièces pour piano, les 10 Crocus – auxquels s’ajouteront La fresque généreuse de la fontaine aux imprévus et Slice étude transcendantale. Ces compositions sont annotées de tempi, de nuances, elles reforment de nouvelles histoires, le crocus I en forme de planète voltigeant dans l’univers, gardienne de la mémoire, le crocus II l’écoulement de l’eau de la source à la mer, le crocus III le premier feu du soir allumé chez les pygmées AKA.
Les réverbérations acoustiques, avec l’aide de la «troisième pédale» du piano, sont créées en libérant des étouffoirs une série de notes sélectionnées. Les sons percussifs comme dans les pièces pour piano préparé de John Cage sont obtenus en plaçant deux gommes entre les trois cordes les plus graves. Le jeu est staccato, sans crescendo, decrescendo, les tempi légèrement flexibles sans accelerando ni rallentando.
Viennent ensuite les sonates curieuses pour violon seul avec sourdine. Dans cette période la chorégraphe, scénographe et plasticienne Kyung-a Ryu installée à Bruxelles l’invite à composer avec elle les musiques de deux de ses performances, Echo in the dream et Confession, qui s’ajouteront aux sonates curieuses. Deux nouvelles sonates pour violon seul arrivent en 2013, avec plus de notes mais dans une même idée d’immobilisme sonore.
Lors de la réalisation des pièces pour violon seul, il était surpris de le voir retirer tant de matière, notamment dans De Deur, les silences de plus en plus longs qui l’isolait. A ce moment là il découvre les musiques pour Gayagum, instrument coréen à 12 cordes pincées, et il passe sur l’autre rive, un moment qui devient fondateur, car la direction musicale que prenait ces pièces pour violons seuls et ces musiques pour instruments coréens est apparentée. De 2010 à 2014 il écrit alors les pièces pour Gayaguem et Geomungo (6 cordes jouées avec plectre) dont la matière de plusieurs d’entres elles vient aussi des réductions. Plusieurs voyages en Corée du Sud lui permettent de rencontrer puis de retrouver les deux maîtres Hwang Pyong-ki pour le Gayaguem et Kim Young-jae, pour le Geomungo, désigné trésor national vivant.
La création intégrale des 10 Crocus et des pièces curieuses pour violon seul avec sourdine ont été données au Flagey de Bruxelles lors deux concerts Sonoris Causa le 14 décembre 2008, Fabian Fiorini au piano, Baudouin de Jaer au violon.
En complément de cette installation, sera diffusé la partie de la création radiophonique « Topographies imaginaires » réalisée par Gauthier Keyaerts (avec le soutien de la Commission d’aide à la création radiophonique) autour Baudouin de Jaer.
Partage d'écoute
Depuis les deux dernières éditions du festival City Sonic, les « partages d’écoute » sont des rencontres avec des personnalités mélomanes (musiciens, critiques, artistes, responsables culturels…) qui, pendant environ une heure, partagent leur passion sur des thématiques en lien avec les pratiques sonores illustrées par des extraits audio commentés.
Baudouin De Jaer
Né en 1962 à Alost (Belgique), Baudouin de Jaer étudie la composition auprès de Philippe Boesmans, Henri Pousseur et Frederic Rzewski (dont il devient l’assistant en 1991-1992) aux Conservatoires royaux de Liège et Bruxelles, ainsi qu’avec Bruce Mather à l’Université Mc Gill de Montréal.
Ses œuvres les plus importantes sont Eclerectic Attrakta, trio pour deux violons et violoncelle (1988), le Septuor pour huit instruments (1986), L’art de la fugue pour 12 instruments (1987), Fanfare et Labyrinthe (1988) pour grande harmonie, Black Out (1989) et Lucie (1993) pour orchestre symphonique, les Sonates pour violon seul (2000-2008), Crocus (2004), La Fresque généreuse (2007) et Slice (2008) pour piano seul.
Depuis 2004, le compositeur, en collaboration avec la chorégraphe Kyung-a Ryu, travaille sur différents projets. Il multiplie notamment les échanges avec la Corée du Sud – entre autres avec le Music College de l’Université Nationale et le National Gugak Center de Séoul – et compose pour des instruments traditionnels coréens tels que le gayageum, le daegeum et le geomungo, comme en témoigne le disque Baudouin de Jaer Gayageum Sanjo paru en 2012 chez le label Sub Rosa.
En 2010, à la demande d’Yves Poliart et de Carine Fol d’Art et Marges Musée, il décrypte les partitions musicales d’Adolf Wölfli– travail qui fera l’objet d’un CD, The Heavenlly Ladder chez Sub Rosa en 2011. Baudouin de Jaer est par ailleurs l’initiateur et le cofondateur du Cirque des Sons, de la Maison de la Création – Centre culturel de Bruxelles Nord et, depuis 2007, de l’outil de production artistique Noodik Productions.
Il a également créé, en 1991, l’Espace Back To Normal de Liège, qui propose des orchestres d’un jour en Belgique et à l’étranger (Berlin, Côme, Milan, Lille, Neuchâtel, La Rochelle et Séoul).
Les premières activités de Jean-Marc Boucher remontent à 1992 avec la co-création d’un mini-fanzine gratuit Remèdes Désespérés (6 numéros d’inspiration plutôt cold-wave et indie-pop), évoluant en 1994 vers un nouveau fanzine Nouvelles Harmonies (11 numéros s’ouvrant à des musiques plus expérimentales), puis vers =Ellipse= en 1998 (2 numéros poursuivant le même chemin).
En parallèle, le label Harmonie est créé en 1993 pour la sortie d’une compilation cassette « Les Prés Fleuris » (Clair Obscur, Klimperei, Sebastian Gandera, Endraum…). Suivront une dizaine de cassettes jusqu’en 1998 (de la new-wave au dark ambient) et une compilation CD « ahimsâ » en 1997 (Shinjuku Thief, Black Lung, Tuu, Temps Perdu?…).
Une première incarnation de taâlem voit le jour en 1999 (un cd-r de Toy Bizarre) mais tout s’arrête début 2000. Après quelques mois de réflexion, taâlem redémarre fin 2001 avec de nouvelles idées et un nouveau concept.